Encyclopédie Atypique Incomplète
Incomplète, car toujours en construction au gré des jours, avec sérieux, curiosité et humour.
Atypique, car toujours dans l'esprit de la connaissance par l'observation et la pratique.
Incomplète, car toujours en construction au gré des jours, avec sérieux, curiosité et humour.
Atypique, car toujours dans l'esprit de la connaissance par l'observation et la pratique.
samedi 27 septembre 2008
“Au début, ce fut le chaos.
La terre s’est mise à gronder et je fus arrachée, transportée, éloignée de mon père, de ma mère, du reste de l’archipel.
J’ai longtemps dérivé sur les océans sans fin.
Les tempêtes étaient fréquentes et encore aujourd’hui je ne sais comment j’ai pu m’en sortir sans me désagréger.
Puis ce fut le silence.
Les éléments se calmèrent.
Pas immédiatement, cela prit des milliers d’années, des ères peut être.
Je ne dérivais plus.
Je m’étais fixée sur une crête, au milieu des eaux puisque c’est mon milieu naturel.
J’étais seule.
J’avais eu le temps de pleurer toutes les larmes salées de mon corps de sable, mais je goûtais maintenant la solitude.
J’avais été coincée dans le petit groupe d’îlots de mon enfance et j’avais souvent souhaité un cataclysme pour rompre cet attachement.
Enfin c’était chose faite...
J’étais seule et bien contente de l’être.
Les jours s’étiraient lentement au soleil.
Une barrière de corail s’était accumulée et protégeait ma grève des assauts de la mer.
Je me laissais dorer la côte. Nonchalamment.
Les rares pluies suffisaient à combler ma verdure et la faune naissante en mon centre : des rongeurs, quelques invertébrés et beaucoup, beaucoup d’oiseaux.
Ils m’intriguaient : s’ils avaient pu voler jusqu’à moi en si grand nombre (certains jours, j’en étais couverte et leurs cris perturbaient mon sommeil tellurique), c’est que je n’étais pas si éloignée que cela d’une autre terre.
Peut être même d’un archipel, comme celui de mon enfance.
Mais je me gardais bien de me détacher pour m’en approcher.
Je n’allais pas renoncer si facilement à ma quiétude.
Je me fiais ainsi aux éléments pendant des centaines, des milliers d’années encore, jusqu’à ce qu’un changement dans le comportement des oiseaux m’alerte.
Moins de pépiements, moins de caquètements, moins de plumes, moins de graines, moins de nids, moins d’œufs...
Moins d’oiseaux !
Mais pourquoi s’étaient-ils tous enfuis ?
J’ai mis un certain temps à comprendre que j’avais vieilli seule... et, hum, pas très bien vieilli...
Ma faune m’avait fuie, parce que ma flore, plus aussi luxuriante que dans ma jeunesse ne suffisait plus à sa subsistance.
J’étais pelée, sèche, pas très avenante.
Mon appétit pour la solitude m’avait trahi.
Depuis quelques temps d’ailleurs, je me voyais partir : ma grève s’était rétrécie, mangée par le ressac que les coraux n’arrêtaient plus. Mes cocotiers n’avaient plus de têtes... décapités par les cyclones !
La sécheresse avait tari mes sources.
Je devais faire piètre figure au milieu de l’océan.
Et maintenant que j’y songeais : aucun marin aventureux n’avait jamais foulé mes plages d’un pas de conquérant.
Ah ça ! Je la payais chère ma solitude !
Papa, maman, mes chers frères, mes petits îlots chéris, où êtes-vous ?
Le chagrin était si fort que je résolus de partir à la recherche de mon archipel perdu.
Et même si je ne devais pas retrouver mes proches, je m’arrêterais au premier atoll que je croiserais... je leur demanderais de l’aide, je m’intègrerais sagement dans leur écosystème, sans faire de vagues, comme une gentille petite île du tertiaire que je suis.
Mais je devais apprendre à mes dépens qu’on ne se débarrasse pas de ses sédiments aussi vite.
Malgré tous mes efforts pour m’arracher à mon milieu, je suis restée figée sur mon talus, rivée à ma crête.
En exactement 15 789 ans, j’ai bougé de 23 centimètres... et encore, pas par mes propres moyens : un tremblement de terre sous-marin.
Il paraît que ça arrive parfois.
Enfin, tous les 30 000 ans environ.
Alors j’attends.
Seule.”
Personne n’est une île.
Nous avons besoin des autres pour survivre.
Même si nous apprécions parfois l’éloignement et la solitude, nous restons des animaux politiques, c’est-à-dire, des êtres qui s’épanouissent au milieu de leurs semblables.
Ceux qui renoncent à la communication, au commerce des idées ou encore simplement aux échanges, finissent souvent comme cette petite île :
Ressourcez vous donc auprès de vos proches, amis ou famille !
Echangez !
Communiquez !
Bougez !
Mais de grâce, ne vous figez pas !